Israël/Palestine : participation record à la conférence « Socialisme »

2014-01-24Grafik6499709506529777157Un mécontentement grandissant dans la société engendre un intérêt pour les idées socialistes
Plus de 160 participants ont récemment pris part à la conférence  »Socialisme » organisée par le Mouvement Socialiste de Lutte (Socialist Struggle Movement, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Israël/palestine). Il s’agissait de la sixième année où un tel événement était organisé, et il s’agit à ce jour de la plus grande édition. Elle a réuni des militants israéliens et palestiniens, des syndicalistes et des socialistes actifs dans différents domaines. La très bonne participation à cet événement n’est qu’une des nombreuses indications illustrant qu’une couche croissante de la société est à la recherche d’une alternative à la politique raciste et pro-capitaliste du gouvernement Netanyahu. Cela ouvre la voie à un intérêt croissant pour les idées socialistes.

Yasha Marmer, Socialist Struggle Movement (SSM, CIO-Israël/Palestine)

Cette conférence, qui s’est tenue vers la fin de l’année 2013, a duré deux jours et comprenait plus de 10 sessions de discussion différentes, sur la lutte contre l’austérité et le coût élevé de la vie, sur l’expropriation continue des masses palestiniennes et la lutte pour une solution juste et équitable; sur le processus révolutionnaire au Moyen-Orient et en Afrique du Nord; sur la lutte contre le sexisme ou encore sur la crise mondiale du capitalisme et le combat pour une alternative socialiste.

L’une des caractéristiques qui rend ce type d’événement véritablement unique est d’avoir l’occasion d’entendre des orateurs de la toute première ligne de front de la lutte sociale. Cette année, ce fut tout particulièrement une réussite.

L’événement a accueilli des militants israéliens et palestiniens et des activistes membres de six syndicats différents, à côté de militants impliqués dans le combat contre le plan Prawer (un plan raciste visant les bédouins, sur lequel le gouvernement a dû provisoirement reculer), d’habitants impliqués dans la lutte contre les expulsions de maisons ou encore d’activistes de mouvements sociaux et d’initiatives antisexistes en lutte contre la  »culture du viol ». Tamar Gozhansky, un ancien député de gauche très connu de Hadash / AlJaba (Front démocratique pour la paix et l’égalité), et Daphni Leaf, figure de proue du mouvement de protestation massif de 2011 (ce mouvement avait vu un demi-million de personnes descendre dans les rues, dans le cadre des révoltes de masses qui ont suivi la révolution tunisienne, NDT), ont également pris la parole. Le dirigeant des cheminots devenu bête noire du régime, Gilla Edrai, a quant à lui envoyé ses salutations à l’assemblée.

Non aux expulsions, non à la politique du  »diviser pour régner »

La conférence a débuté avec deux discussions parallèles, l’une portant sur la lutte contre le sexisme l’autre sur lutte pour un logement décent. La seconde a été introduite par Neta Most (SSM) et a couvert à la fois la lutte pour des logements publics et contre les expulsions motivées par le profit ainsi que la lutte contre l’expropriation raciste des Bédouins arabes du Néguev/Naqab. L’un des orateurs, Amir Abu-Qvidar, est un résident du village bédouin  »non reconnu » par les autorités, il a expliqué la logique raciste qui se trouve derrière le plan Prawer qui menace d’exproprier de leurs terres et maisons entre 30 et 40.000 citoyens arabes de l’Etat d’Israël (plus sur le Plan Prawer (en anglais)). Rozin Basharat, qui participe également à cette lutte contre le plan Prawer, a parlé de son expérience sur le terrain, du rôle majeur joué par les Palestiniennes dans la lutte ainsi que de leur place dans la lutte globale contre l’expropriation et l’oppression nationale.

Yossi Cohen, porte-parole des résidents de l’un des quartiers de Tel Aviv menacé d’expulsion, a également parlé lors de cette session. Dans son cas, l’expulsion est lancée par un des plus grands magnats de l’immobilier en Israël, Itzhak Techouva, qui veut construire des logements de luxe.

La discussion a donc porté sur deux luttes différentes concernant le logement et la dignité d’existence, mais qui sont loin d’être séparées.

La discussion a mis l’accent sur les défis de la période qui nous fait face, mais aussi sur la possibilité de lier ces mobilisations entre elles – ce qui est une nécessité cruciale – et de surmonter la politique de diviser-pour-régner de l’élite capitaliste israélienne.


Une vague de syndicalisation

Plus tard dans la journée, les syndicalistes de différents lieux de travail se sont réunis pour discuter du développement sans précédent de la syndicalisation et des luttes syndicales de l’année écoulée, en parallèle avec les attaques du gouvernement contre le mouvement organisé des travailleurs. Parmi les orateurs se trouvait Shlomi Sheked-Almozalino, dirigeant syndical à l’entreprise de télécommunications Pelephone. Shlomi a raconté comment les travailleurs y ont remporté des victoires après une dure bataille pour la reconnaissance des syndicats dans l’entreprise. Ils ont ainsi pu avoir leur première convention collective de travail, qui couvre les 3000 salariés de l’entreprise. La lutte et la victoire des travailleurs de Pelephone constituent l’un des symboles de la vague actuelle de syndicalisation. Plus de 25.000 travailleurs ont rejoint les rangs syndicaux au cours de l’année 2013 uniquement.

Yasser Abu Arish du comité d’action des travailleurs de la société de crédit Leumi Card (qui regroupe 1200 travailleurs) a parlé de la lutte – toujours en cours – pour arracher une première convention collective de travail dans cette entreprise ainsi que de la façon dont la syndicalisation peut aider à combattre la discrimination raciste qui existe contre les Arabes-palestiniens sur le marché de l’emploi israélien, ce dont il a personnellement fait l’expérience.

Parmi les autres orateurs se trouvaient Naor Kapulnik, un militant du SSM qui participe également à cette lutte pour la syndicalisation des travailleurs dans une société de crédit; Anat Heyman, dirigeant d’un combat similaire à HaKameri, le plus grand théâtre de Tel-Aviv; et Hadas Zuqrat du secrétariat du syndicat des travailleurs sociaux.

Les syndicalistes réunis étaient de divers horizons, du syndicat Histadrout (principal syndicat israélien) à  »Pouvoir aux travailleurs ». C’est assez inhabituel étant donné le manque de forums de discussion et de coordination entre syndicalistes, y compris au sein d’Histadrout. Il s’agit du résultat des politiques de droite menées par la direction d’Histadrout.

L’une des propositions du SSM discutée était justement la création d’un tel forum pour que la base syndicale puisse discuter, dans le but de coordonner et de développer les luttes ainsi que pour faire pression sur les syndicats afin de résister ensemble à l’offensive des patrons et du gouvernement. Cette idée a reçu un large soutien des syndicalistes présents, tant de la tribune que du public, parmi lequel se trouvaient le dirigeant du syndicat des journalistes Maariv et Ami Vatury, de la direction de  »Pouvoir aux travailleurs ».
La conférence s’est poursuivie par une séance portant sur la lutte contre l’austérité et la cherté de la vie et d’une autre abordant la lutte contre l’occupation et pour une solution socialiste au conflit israélo-palestinien. Cette seconde session a été suivie par de nombreux jeunes et comprenait une introduction effectuée par Shahar Ben-Khorin (SSM) qui a parlé de l’incapacité des négociations en cours à satisfaire toutes les aspirations nationales ou sociales des masses palestiniennes ou à apporter une paix durable. Il a tiré quelques conclusions de l’échec des accords d’Oslo, des soulèvements palestiniens de masse – les Intifadas – et de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Shahar a parlé de la nécessité de développer des forces basées sur la classe des travailleurs autour d’un programme socialiste, des deux côtés de la division nationale, afin de mener la lutte pour l’égalité des droits et pour l’autodétermination, dans le cadre du combat pour une transformation socialiste de la société dans cette région minée par la guerre et la pauvreté.

Appel pour un nouveau front socialiste

La séance de clôture de la conférence, le lendemain, a porté sur la construction d’une alternative politique face aux partis pro-capitalistes. L’impact du profond mouvement de masse de 2011 est toujours présent et de nouveaux combats contre le gouvernement sont à venir.

Les orateurs de cette discussion étaient Or-Ly Barlev, militant des mouvements sociaux; Shelly Dvir, conseillère nouvellement élue à Tel-Aviv; Inbal Hermony, syndicaliste de premier plan du syndicat des travailleurs sociaux; Tamar Gozhansky, ancien député de Hadash / AlJaba et du Parti communiste; et Eyal Atsei Pri du Mouvement du SSM.

La session a commencé avec la projection d’une vidéo de la victoire électorale de Kshama Sawant à Seattle, aux États-Unis. Ensuite, Yasha Marmer (SSM) a introduit la discussion en demandant aux intervenants ce qui empêchait pareille victoire de ce produire dans le pays. Il a également présenté l’appel du SSM pour le lancement d’un nouveau front socialiste destiné à rassembler les travailleurs et les jeunes des deux côtés de la frontière nationale, dont beaucoup sont maintenant en lutte. Alors que la question nationale pose de grands défis pour la construction d’un mouvement qui cherche à unir les Juifs et les Arabes dans leur lutte pour une alternative socialiste, les militants du SSM et d’autres intervenants ont souligné le grand potentiel qui existe dans la société pour un tel mouvement étant donné le contexte de la région et les récents développements internationaux.

Gozhansky a exprimé son soutien à la construction d’un tel front des forces socialistes et a proposé d’engager des discussion en ce sens avec le SSM et d’autres forces. D’autres orateurs ont évoqué la nécessité de la construction d’un large mouvement de lutte pour un changement révolutionnaire. Cette session était donc un excellent point de départ pour que différentes forces de la gauche socialiste discutent de leur développement et des efforts destinés à unir la classe des travailleurs de tous les milieux dans le combat pour un changement de société.