Et si le mouvement contre la loi travail n’était qu’un tour de chauffe ?

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4000 personnes manifestaient à Nantes le 15 septembre (Photo LOIC VENANCE – AFP)

Le contexte de la journée de grève public-privé du 15 septembre a changé. Nous sommes entrés dans un mouvement social qui s’inscrit dans la longueur, avec des hauts et des bas. Si un bon travail de mobilisation est fait pour le 15 septembre, la journée peut être massive, mais si elle ne l’est pas, ça ne signifie pas que le conflit est terminé et que les capitalistes ont imposé la cinglante défaite qui les renforcerait.

Article tiré de l’Egalité n°179 (septembre-octobre 2016)

La colère est maintenant profondément ancrée. En 4 mois, le conflit contre la loi travail a évolué vers un rejet de la politique du gouvernement et des couches très larges se sont mobilisées durant cette période. Les ingrédients pour un mouvement social assez fort pour imposer une défaite magistrale au gouvernement étaient présents dès avril. A nous de tirer le bilan de 4 mois de lutte pour comprendre quelles perspectives mettre en avant le 15 septembre pour l’emporter.

La lutte combative de nombreux salariés, notamment dans les raffineries, visait le bon objectif de bloquer l’économie et a mis très vite en difficulté le gouvernement et le patronat, mais la grève reconductible ne s’est pas étendue à une échelle de masse, et la production n’a pas été stoppée par la grève mais par des piquets levés de force.

De façon sincère et combative, l’énergie militante s’est déployée sur les points de blocage mais ne s’est pas tournée suffisamment vers les travailleurs des usines et entreprises environnantes. Pour le 15, et après, il est vital d’aller à la rencontre de tous les salariés et des jeunes, syndiqués ou non syndiqués, et aussi de la population dans les zones qui souffrent le plus du chômage, des bas salaires et de la casse des services publics. C’est avec ce travail que la contestation va s’ancrer encore plus dans toutes les couches sociales et toucher la masse des travailleurs.

La journée du 15 reste très axée contre la loi travail mais s’est enrichie de revendications pour l’emploi, les salaires, et les services publics. Cet élargissement est important. A tort, plusieurs salariés ne se sont pas sentis concernés par la lutte contre la loi travail parce qu’ils n’étaient pas directement attaqués. Ils seraient plus facilement entrés en lutte sur la question des salaires, de l’emploi et des conditions de travail qui auraient aussi permis à toutes les luttes locales de converger pour finalement s’opposer à la politique gouvernementale au service du MEDEF.

Comme Hollande et Valls s’attaquent de front à tous les acquis sociaux, la lutte gagnera en force en s’orientant beaucoup plus contre le gouvernement. Dès maintenant, alors que les directions syndicales ont repris la main et évacuent cette question, c’est cette orientation qu’il faut discuter et défendre.

Une lutte massive peut se développer, mais elle risque de se heurter à l’absence de perspectives d’après victoire. Obtenir l’abrogation de la loi travail, des augmentations de salaires, des emplois… seraient évidemment une vraie satisfaction. Si le rapport de forces permet de remporter le bras de fer contre un gouvernement inflexible, il pose forcément la question du pouvoir ; et ça freine forcément les ardeurs d’imaginer que l’après Hollande pourrait être Sarkozy ou Juppé ! L’absence d’un parti de masse qui défende les intérêts des travailleurs et qui gagne leur confiance pèse dans les mobilisations. Notre tâche est de discuter dans le mouvement social de la nécessité de construire un tel parti.

Luc de Chivré