En Syrie : les impérialistes et les puissances locales discutent entre elles sur le dos des peuples

syrie_0Qui a intérêt à ce que la Syrie retrouve la paix ? Hormis le peuple de Syrie, certainement personne en fait.

Les diplomaties des pays impérialistes nous vantaient depuis des mois que les «négociations» ouvertes à Genève apporteraient une solution «politique». L’une des premières décisions de ces mêmes diplomaties a été d’exclure les représentants Kurdes de la fédération du Rojava, la région du nord de la Syrie.

C’est cette région et la résistance héroïque de Kobanê, organisée par les YPG (les unités de défense populaire), qui ont infligé leurs premières défaites aux troupes de Daesh, le soi-disant État islamique. Et 30 % des résistants sont des «résistantes ». Les médias occidentaux faisaient des reportages sur le «courage des résistantes kurdes» (en fait, une partie de la résistance est également composée de combattants venus des autres peuples de la région, arabes, assyriens, yézidis et autre).Et les gouvernements occidentaux (France, États-Unis…) excluent les représentants de ces mêmes résistants. Qui peut encore croire sérieusement que ces pays se préoccupent du peuple syrien et de la paix dans la région ?

Marchés des armes et marchés des ressources

Il s’agit de ménager les intérêts des dirigeants de pays « amis », en premier lieu la Turquie et l’Arabie Saoudite. Évidemment, ce ne sont pas les
peuples qui sont considérés comme des amis puisque le président turc Erdoğan peut massacrer la population kurde, réprimer les grèves, attaquer les libertés des journalistes ou des universitaires. C’est juste une affaire entre riches et corrompus. L’Arabie Saoudite soutient le gouvernement du Yémen qui massacre la population dont une partie est en révolte depuis 2011, et il n’est plus besoin de décrire l’absence complète de liberté dans ce pays, comme en témoigne le cas d’Ashraf Fayad, qui a pris 800 coups de fouet et 8 ans de prison pour un simple poème…

Et ces deux régimes ont comme allié sur le terrain syrien, les forces les plus réactionnaires, que ce soit le front Al Nosra (la branche d’Al-Qaïda en Syrie) pour l’Arabie Saoudite ou Daesh pour Erdoğan.

Mais voilà, ces régimes achètent pour des milliards d’équipement militaire, et la Turquie assure un régime quasi dictatorial dans les usines qui fabriquent des pièces pour les grandes multinationales européennes. De plus, l’Union Européenne finance la Turquie pour parquer les réfugiés syriens et les empêcher de venir en Europe. Les pays de l’UE qui prétendent que leurs caisses sont vides ont trouvé 6 milliards d’euros pour financer ainsi le rôle de garde frontière de la Turquie. Un pays en pleine répression sanglante d’une partie de son propre peuple, massacrant des civils par centaines dans les villes de Cizre ou Diyarbakir, reçoit donc une aide financière…Mais le contrôle de la région, de ses ressources, le marché des armes vaut bien de fermer les yeux sur ces massacres et sur le traitement inhumain de millions de personnes.

Et comme le régime syrien ne tombe pas et reste l’allié de la Russie et de l’Iran, partiellement concurrents pour la domination de la région, c’est avec ce bloc que les impérialistes et leurs alliés tentent de trouver un accord, ou plutôt de faire semblant d’en trouver un, car à part une partition de la Syrie ou une reconquête du pays par les forces du régime d’Al Assad, le bourreau dictateur, il n’y a que la perspective d’une guerre civile sans fin.

Le courage des tentatives du Rojava

Le refus fait aux Kurdes représentant la fédération du Rojava et au principal parti qui les organise, le PYD (parti de l’union démocratique), de participer aux négociations de Genève, est principalement dû à deux raisons. D’une part la fédération du Rojava représente la volonté d’en finir avec ces régimes hérités du découpage du monde par les impérialistes avec des états dictatoriaux à leur service. Le refus d’une langue officielle unique, pourtant logique dans une région qui est une mosaïque de peuples, le principe fondamental du droit des peuples à se fédérer démocratiquement (et donc à se séparer) constitue autant de libertés que les impérialistes et les dictateurs locaux à leur service refusent de se voir instaurer dans la région. D’autre part, le Rojava a établi l’égalité homme-femme, il défend un projet qui pour la région est révolutionnaire : développement des services publics, protection des travailleurs. Même s’il ne représente pas aujourd’hui suffisamment la remise en cause du capitalisme, un tel projet, repris à une échelle de masse par les travailleurs, les populations paysannes et les masses pauvres des villes, de tout le Moyen Orient, serait une remise en cause complète du pillage capitaliste et de la domination des impérialistes nord Américain et Européen. Étendu à d’autres régions, ce serait un exemple et un appel à l’unité des peuples indépendamment des cultures, des langues ou des religions : le cauchemar des dictateurs et des impérialistes.

Les dirigeants du Rojava vont-ils enfin comprendre qu’il n’y a rien à négocier à Genève ou vont-ils encore supplier les gouvernements d’Europe de faire semblant de les entendre ? Il y a une véritable nécessité à s’adresser directement aux peuples du Moyen Orient et d’Europe et non d’espérer un soutien qui ne viendra jamais de la part de Hollande, Merkel ou Obama. D’autant plus que le refus de laisser les représentants du Rojava participer aux discussions de Genève place de fait la fédération du Rojava comme une région autonome, indépendante des tractations qui se font sur le dos des populations de Syrie et d’Irak, qui pourrait être un véritable point d’appui pour tous ceux et toutes celles qui dans la région aspirent à enfin en finir avec ce monde de guerre, de misère et de pillage que génère le capitalisme.

Par Alex Rouillard