Élections en Espagne. Pour la fin de l’austérité et une alternative des travailleurs !

unidos-podemos-logo-600x378En raison du blocage dans la formation d’un gouvernement depuis les élections de décembre, de nouvelles élections doivent se tenir fin juin. Cette fois-ci, il a finalement été possible de conclure une coalition entre Podemos, Izquierda Unida (Gauche Unie) et les confluences de gauche régionales. Nous avons eu l’occasion d’en discuter avec Ángel Morano, membre de Socialismo Revolucionario (parti frère de la Gauche Révolutionnaire dans l’État espagnol) à Barcelone.

Propos recueillis par Marisa

Quelles ont été les réactions parmi la base des militants et activistes de gauche ainsi que parmi la classe ouvrière en général ?

Les élections du 20 décembre ont été positives pour tous ceux qui se sont battus dans les rues des années durant et pour tous ceux qui espéraient un changement après des années de gouvernement du PP (Parti Populaire, droite). Podemos, les conf luences de gauche et Izquierda Unida (IU) avaient recueilli plus de 6 millions de votes. Malgré ces bons résultats, l’impasse dans la formation du gouvernement et le sentiment généralisé que rien ne changerait avec de nouvelles élections a plongé la majorité de la population dans l’apathie et la résignation. C’est ce qu’ont confirmé tous les sondages publiés avant l’annonce de la coalition de gauche.
Cet accord a donné naissance à Unidos Podemos (coalit ion entre Podemos et IU). De nombreuses incertitudes subsistent encore, mais cela a radicalement changé la situation. Les personnes plus politisées ont montré leur enthousiasme et les sondages illustrent déjà une certaine augmentation des intentions de vote. Des comités de campagne se sont vite mis sur pied dans tout le pays et le sentiment qu’il s’agit d’un moment historique pour la gauche est clairement présent.
Comment se fait-il que ce ne soit que maintenant que Podemos et IU entrent en coalition ? Quel a été le processus qui y a conduit ?
Souvent, les responsables politiques essayent d’adapter la réalité à leur manière de voir les choses. Mais tôt ou tard, ils doivent faire face à cette réalité. C’est un peu ça qui s’est produit avec le thème de la confluence. L’idée que la confluence était vraiment nécessaire a grandi parallèlement parmi la base des deux formations et cela a fini par peser.
Si cette influence de la base ne peut être niée, le processus a toutefois été mené par les directions, la base des deux organisations n’ayant été consultée que par la suite. Tout est encore à construire. L’attitude qu’adoptera cette base militante pendant la campagne est cruciale pour obtenir le succès. Si les militants se limitent à suivre les consignes de la direction, ils ne feront que coller des affiches. Mais si, au contraire, la base est capable d’organiser la campagne avec ses propres consignes et par une forte mobilisation, l’impact pourra devenir très grand. Socialismo Revolucionario défend depuis déjà longtemps la constitution d’une telle confluence de gauche.
Comment allez-vous maintenant vous impliquer dans la campagne ?
SR a accueilli très favorablement cette candidature. Son existence même est un facteur positif qui encourage la combativité dans la lutte des classes. Différents secteurs de la gauche se voient forcés d’œuvrer ensemble et de naturellement confronter leurs idées. SR veut participer à ce processus, il s’agit d’une de ces situations où la conscience de la classe ouvrière peut nettement augmenter.
Penses-tu qu’Unidos Podemos pourrait dépasser le PSOE (équivalent espagnol du PS) ?
Cette candidature unique de gauche radicale est clairement en mesure de dépasser le PSOE pour devenir la principale force de gauche. Il n’est même pas exclu que son résultat soit proche de celui du PP. Aux dernières élections, là où des confluences de gauche régionales avaient été constituées, ces dernières avaient reçu un très bon accueil.
Pendant les négociations pour la formation du gouvernement, la direction de Podemos avait proposé au PSOE d’entrer ensemble en coalition. Ce dernier avait préféré discuter avec Ciudadanos (des populistes de droite) ce qui impliquait de poursuivre la mise en œuvre de l’austérité.
Quel doit être l’attitude des forces de gauche envers la social-démocratie ? Un gouvernement anti-austérité est-il possible avec le PSOE ?
Au vu des campagnes précédentes, il est fort probable que le discours de la direction d’Unidos Podemos se concentrera sur l’idée abstraite d’un changement politique sans beaucoup plus de précisions, en utilisant comme message clé l’unité contre le PP. Cela ira probablement jusqu’à proposer au PSOE de former un gouvernement de coalition.
Nous estimons qu’il s’agirait d’une erreur. De taille. La lutte pour une véritable démocratie et la fin de l’austérité ne peut être couronnée de victoire qu’avec un véritable programme de rupture anticapitaliste autour de mesures socialistes telles que la nationalisation des banques et des secteurs stratégiques de l’économie, le refus du paiement de la dette publique, des investissements publics massifs ou encore le droit à l’autodétermination des peuples.
Tout cela est totalement incompatible avec l’idée de former un gouvernement de coalition avec un parti pro-austérité comme le PSOE. Ce dernier est prêt à légèrement atténuer l’austérité, mais il n’ira jamais jusqu’à la racine fondamentale du problème : l’incapacité du capitalisme à offrir une vie décente à la grande majorité des travailleurs et de leurs familles de l’État espagnol. Le PSOE est fermement lié à l’establishment capitaliste espagnol. En tant que représentant de cet establishment, il ne se démarquera pas de la ligne officielle du capitalisme mondial. Un accord de gouvernement entre Unidos Podemos et le PSOE ne consolidera pas un virage à gauche du PSOE, il signifiera la capitulation d’Unidos Podemos face à la droite.
Nous ne pouvons laisser aucune marge à l’illusion qu’un changement politique réel peut être obtenu sans être accompagné de la construction d’une puissante relation de force à partir de la mobilisation sociale. Parallèlement, pour faire avancer le mouvement des travailleurs, un gouvernement de gauche doit être muni d’un programme de rupture capable de porter ses revendications jusqu’au bout.