Coup d’État manqué en Turquie. Ni militaire, ni Erdogan! Pour une alternative des travailleurs!

APTOPIX Turkey Military CoupDans la nuit du 15 juillet, des généraux de rang intermédiaire, des ex-généraux et des colonels de l’armée turque ont tenté de prendre le pouvoir en de renversant le gouvernement de l’AKP ainsi que le président Erdogan. Au moment de cette tentative de coup d’Etat, Erdogan était en vacances sur la côte de la mer Egée.

Par Sosyalist Alternatif (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc)

Les comploteurs ont d’abord réussi à se saisir de l’Agence nationale de renseignement dans la capitale, Ankara, ainsi que de l’académie de police, à la suite de féroces bombardements aériens. Ils ont aussi pris le contrôle des aéroports d’Ankara et d’Istanbul. En dépit d’affrontements également survenus dans d’autres villes à travers le pays, la tentative de coup d’Etat a principalement été concentrée sur ces deux villes importantes. Des locaux de police, des bureaux de l’AKP, les hôtels de ville, le serveur Internet central et les deux ponts sur le Bosphore reliant les parties asiatiques et européennes d’Istanbul ont également été pris. Le Parlement, où tous les partis politiques étaient en session, a été bombardé à plusieurs reprises par des avions de combat et le palais présidentiel a été attaqué par des unités militaires liées aux comploteurs afin de tenter d’en prendre le contrôle.

Le cœur du complot se trouve au quartier général militaire suprême, la plus grande base aérienne militaire du pays ainsi que le siège de la police militaire. Les putschistes avaient enlevé la plupart des commandants militaires les plus élevés, y compris le chef suprême des forces armées. Ils ont pris le contrôle de la radio d’État, des plus grandes chaînes de télévision privées ainsi que de la télévision d’Etat, d’où ils ont diffusé une déclaration annonçant la reprise du pouvoir politique des mains du régime illégitime, corrompu et non laïque d’Erdogan et de l’AKP. Ils ont déclaré le couvre-feu et la loi martiale, plaidant en faveur d’une nouvelle Constitution.

L’avion d’Erdogan a été empêché de se poser pendant des heures. Le Président et le Premier ministre ont tous deux fait appel au peuple pour résister à la tentative de coup d’Etat. Des ailes concurrentes de la machine d’Etat se sont engagées dans des affrontements violents tout au long de la nuit, l’appareil policier restant largement fidèle à Erdogan. Les mosquées ont également appelé à se rallier au gouvernement. Quelques milliers de personnes, pour la plupart des islamistes de droite et le noyau dur des partisans de l’AKP, sont ensuite descendus dans les rues. Des avions et hélicoptères de l’armée ont tiré sur des manifestations dans les deux villes principales. Le samedi matin, plus de 150 militaires (des deux côtés) et plus de 50 civils avaient été tués.

La majorité de la population et tous les partis politiques sont opposés au retour d’un régime militaire tandis que les rangs de l’armée sont pour la plupart composés de conscrits qui ne sont pas prêts à mettre leur vie en jeu pour les comploteurs. Ces derniers sont des officiers privilégiés de longue date qui ne sont intéressé par la prise de pouvoir qu’en fonction d’eux-mêmes. Le coup d’Etat n’a pas trouvé de base sociale et politique suffisante pour connaître la victoire. La principale fédération turque des grandes entreprises (TUSIAD) et l’impérialisme américain, par la voix du président Obama, ont rapidement fait savoir qu’ils ne fourniraient aucun soutien aux comploteurs.

Comme nous l’avons expliqué dans des articles et déclarations précédents, le pays traverse une crise politique croissante qui s’est intensifiée depuis les élections de l’année dernière, dans un contexte de crise économique grandissante et de réduction du soutien populaire pour le régime d’Erdogan. Le gouvernement AKP a utilisé le système judiciaire et l’appareil militaire pour tenter de surmonter cette impasse politique croissante en réprimant les voix de l’opposition à l’intérieur et à l’extérieur du Parlement et en utilisant l’armée pour écraser l’opposition kurde. La tentative du parti au pouvoir de forcer l’instauration d’un changement constitutionnel vers un système présidentiel cadre dans la même tendance à un bonapartisme croissant et à la volonté de gouverner par ses seules forces.

Cette manière répressive de résoudre l’impasse politique a fourni aux comploteurs les outils qu’ils ont retournés contre l’AKP. Alors que les deux camps ont travestis leurs objectifs derrière la façade de la démocratie, ils ne représentent tous les deux que des variantes de la dictature capitaliste, l’une civile et l’autre militaire. Ces méthodes ne peuvent pas résoudre la crise qui secoue le pays, mais seulement l’exacerber. De plus grands bouleversements sont encore à venir. Cette récente tentative de coup d’État a exposé au grand jour le fait que les efforts d’Erdogan pour construire un pouvoir monolithique sont incapables de cacher les divisions internes croissantes et les querelles dans les sphères supérieures de l’État. Elles ont davantage été encouragées.

Alors qu’il est de la plus haute importance de résister aux attaques d’Erdogan sur les droits sociaux et démocratiques, ce coup d’État illustre le fait que la dictature ne peut être combattue avec des méthodes dictatoriales. Un tel coup d’État implique que plus de mesures répressives soient imposées aux masses, en cas de victoire ou non. Le coup d’Etat manqué sera désormais utilisé par Erdogan pour encore plus concentrer le pouvoir entre les mains de ses proches ainsi que pour réprimer encore plus fortement les droits démocratiques. C’est déjà ce que nous constatons, de nombreux avocats publics ayant été arbitrairement démis de leurs fonctions tandis que le gouvernement a fait part de son intention de réintroduire la peine de mort. Ces mesures sont présentées comme des réactions au complot militaire, mais elles sont idéales pour contrer les futures luttes qui seront menées contre le régime.

Le Comité pour une Internationale Ouvrière et sa section en Turquie, Sosyalist Alternatif, s’opposent à la tentative de coup d’Etat, car cela aide Erdogan à imposer son agenda dictatorial. Les deux camps représentent différentes ailes de la classe dirigeante oppressive et ils doivent être combattus.

La résistance populaire contre toute tentative de prise de pouvoir par les militaires ne peut pas être laissée entre les mains du régime pourri de l’AKP. Il faut organiser une riposte de masse de la part du mouvement ouvrier, de la jeunesse, de la gauche et du HDP de manière totalement indépendante des mobilisations du parti au pouvoir, qui ont parfois eu recours à la violence contre leurs opposants politiques et ne dispose d’aucune alternative. Le mouvement des travailleurs et la gauche doivent d’urgence organiser des comités d’autodéfense contre la violence utilisée par les deux camp. Un troisième pôle politique autour de la classe ouvrière, des pauvres et des jeunes doit être développer pour arrêter la violence et les attaques sur les droits démocratiques et politiques ainsi que l’offensive de l’Etat contre le peuple kurde ou encore contre les politiques néo-libérales défendues par les deux factions de la classe capitaliste.

Les jours où la Turquie était saluée comme un modèle de prospérité et de stabilité sont révolus. La crise multiforme qui engloutit la Turquie est un reflet de la crise du capitalisme à l’échelle mondiale. La seule solution réside dans une lutte pour une transformation socialiste de la société, en liaison avec la solidarité ouvrière à apporter dans le Moyen Orient, en Europe et dans le monde. C’est ainsi que nous pourrons mettre fin au chaos et à la violence qui frappe actuellement la Turquie.