Clash chez les Le Pen – que se passe-t-il au FN?

jean marie et marine le penOn assiste à un mélodrame familial via médias interposés. Marine Le Pen et le bureau politique du FN ont suspendu Jean Marie Le Pen ; on en a aussi entendu et vu encore de belles de la part de leurs militants le premier mai dernier. S’agit-il de divergences politiques, d’une stratégie de communication?

L’article publié ci-dessous est extrait de l’Egalité n° 171, mai-juin 2015

Après les élections, le FN confirme son implantation dans le Sud Est et son renforcement dans le Nord. Une partie de l’électorat des quartiers populaires a continué de voter FN, mais le FN n’a pas mobilisé parmi les abstentionnistes.
Par contre une partie des classes moyennes touchées par la crise, votant plutôt à droite d’habitude, a davantage voté FN. C’est le fruit du ras-le-bol, de la «dédiabolisation» médiatique de ce parti et des similitudes avec le programme de l’UMP. Ainsi, les cas de report de voix d’électeurs de l’UMP au premier tour vers le FN au second face au PS semblent augmenter.

L’électorat «FN» est à la fois issu des couches populaires, mais aussi de couches conservatrices de la petite bourgeoisie. Leurs intérêts sont souvent contradictoires sur la question du maintien des services publics, sur les droits des chômeurs et des précaires… Le discours anti-impôts et raciste anti-maghrébin du FN actuel ne suffira plus. La stratégie de Marine Le Pen a permis de mordre sur de nouvelles couches. Peut-elle durer ?

Une montée inexorable jusqu’à la présidentielle ?

Aujourd’hui deux lignes entrent en confrontation. Le parti s’est ouvert à toute une série de membres «des années Marine», très peu politisés et loin des courants historiques de l’extrême droite française, pro Algérie française, royaliste catholique intégriste et fasciste.
Le parti des Le Pen n’a pas eu une croissance linéaire depuis sa fondation et a traversé des crises internes qui l’ont fragilisé. A sa tête, les courants s’affrontent, une partie des cadres est issue de ses rangs et l’autre est plus hétéroclite, avec des néo-gaullistes comme Philippot et des arrivistes de tout genre comme Collard.
La récente crise entre le père et la fille est l’expression médiatique de ces divergences. Pour le moment, tout se passe comme si Le Pen père avait dû s’écraser en attendant 2017. Mais le parti est-il capable de continuer ainsi sans exploser ? Il oscille entre son programme de fond pro capitaliste et un vernis social de droite qui le fait moins se démarquer.

De plus, le FN a ouvert largement ses rangs sur des bases très floues. Et il n’est dirigé que par une poignée de cadres, peu de nouveaux sont capables de développer leur programme publiquement. Il suffit d’entendre leurs députés telle que Marion Maréchal Le Pen ou les jeunes candidats, pour voir que leur niveau est lamentable. Enfin, ce que le FN craint plus que tout, ce sont les luttes. Et les travailleurs et les jeunes n’ont pas dit leur dernier mot face aux plans de Valls Hollande et Gattaz. Or, si le FN monte aux élections, il n’a pas d’influence sur l’entrée ou non en lutte des travailleurs pour défendre leurs conditions de travail ou obtenir des augmentations de salaires. Une partie importante de son électorat se tourne vers ce vote faute d’une véritable opposition de gauche. Ceci ne tiendra pas si les luttes se développent contre la politique du gouvernement actuel. De plus, le rejet de la division, du racisme et de la misère est très massif parmi les jeunes et les travailleurs comme l’a montré le caractère des manifs après les attentats de janvier. Le FN profite encore mais va devoir se confronter à une nouvelle période où les jeunes et les travailleurs vont se mobiliser. Ceci pourrait stopper en vol son ascension.

Par Leïla Messaoudi