Changement de cap au PCF?

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La direction du PCF réunie dans son siège Place du Colonel Fabien à Paris

La préparation du 38ème congrès du PCF a donné un résultat inédit. Le texte présenté par la direction n’a recueilli que 38 % des suffrages des adhérents à jour de cotisation (11 467 voix) tandis que le principal texte d’opposition, Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle, a recueilli 12 719 suffrages, soit 42 %. Pas de majorité réelle donc. Les points qui font divergence ne sont pas réellement abordés sur le fond – même si le texte arrivé en tête se veut plus tranché ou incisif sur certaines questions. De fait, il y a peu de chance que ce congrès aboutisse à une réelle clarification.

Article publié dans l’Egalité 192

Le PCF est-il en crise profonde ?
Chaque année, sauf en 2016 (lutte contre la loi « travail »), le PCF perd des milliers d’adhérents. De 133 000 membres en 2003, il est tombé à 49 000. Même s’il reste la plus grosse organisation de gauche, il ne peut plus prétendre jouer de rôle dirigeant. D’autant plus qu’électoralement, c’est l’écroulement complet.

À la présidentielle de 2007, 1,93 %, aux législatives de 2017, 2,72 % : les plus bas scores jamais enregistrés. Et sur les 11 député‑e-s PCF élu-e-s, 5 l’ont été grâce à l’absence au premier tour d’un candidat de la France insoumise en face d’eux (dans des circonscriptions où la FI ne s’était volontairement pas présentée, et ce malgré le refus du PCF d’avoir un accord national sur les 52 circonscriptions).

De vraies divergences ?

Le texte présenté par la direction nationale (CN) restait flou sur la plupart des aspects. C’est ce qui lui a valu de vives attaques, tant de la part des partisans du texte « Manifeste » que de ceux du texte « Se réinventer », arrivé 3ème avec 11,9%. Le texte du CN essayait de faire à la fois une critique de Mélenchon et de la France insoumise sans jamais évoquer l’objectif propre du PCF : « La construction de mouvements populaires, d’expérimentations sociales, de majorités politiques capables de réaliser concrètement l’avancée des aspirations émancipatrices de notre peuple est le coeur de notre stratégie. »

Difficile de faire plus flou. D’autant que plus loin, le texte affirme, amnésie à la clef, que le PCF est « pour beaucoup » dans le succès de Mélenchon. Amnésie car il a fallu deux votes internes au PCF pour accepter d’appeler à voter pour le candidat de la FI, et que cela ne s’est fait, à reculons, qu’avec la certitude que la candidature Hamon allait à l’échec.

Un pas à gauche ?

Dans un parti qui est sans cesse en recul, ce genre de position qui ne tranche sur rien ne peut pas être satisfaisante. C’est cela qui explique le succès du texte « Manifeste ». D’une part, ce texte fait une référence plus centrale au marxisme et à la lutte des classes. Il rassemble les mécontentements : critique de l’absence de candidat PCF la présidentielle (lequel aurait fait un score particulièrement bas mais la chose n’ayant pas eu lieu, il n’est pas difficile de dire « on aurait dû »). Il en découle que le texte qui sert désormais de base au congrès du PCF décide donc « qu’il y aura des candidats communistes à chaque élection ». Cela rassure mais cela ne fait pas une politique. De la même manière, le texte remet en cause l’Union européenne mais parle des missions de la Banque centrale européenne et de « la monnaie » qui doit servir à l’emploi. De fait, la critique est plus vive mais les propositions restent tout aussi floues.

Ce n’est pas nouveau que le PCF manie les citations de Marx, parle de lutte des classes, pour au bout du compte ne parler que de « dépassement du capitalisme », c’est à dire en gros, dire que le capitalisme pourrait être remplacé progressivement par autre chose. Le socialisme n’est même pas mentionné.

Le peu de voix d’écart entre les deux principaux textes (qui sont de plus très semblables sur le fond) risque de voir les tensions se porter sur des points mineurs, de même que la constitution de la nouvelle direction.

Un congrès de transition ?

Aucun des textes du congrès n’abordait la question du parti socialiste et des relations du PCF avec lui. « Le PS reste incapable de se dégager du social-libéralisme », c’est un peu court.

Le PCF a été incapable de se placer dans l’opposition sous Hollande sauf ponctuellement. Ses alliances aux dernières législatives, parfois dès le premier tour, avec le PS, sa participation aux majorités dans de très nombreuses villes, montrent que le PCF n’a pas rompu avec sa politique de ces 30 dernières années : peser sur la « gauche » mais ne pas chercher à en prendre la tête et considérer le PS comme un partenaire.

L’une des raisons du succès électoral de Mélenchon et de la FI est cette rupture complète avec le PS. Les discussions sur un « dépassement du capitalisme » sont vaines. Si on veut reconstruire un authentique parti révolutionnaire qui défende les intérêts des travailleurs et de la majorité de la population, cela n’est possible qu’en défendant le socialisme comme un objectif concret, ce qui passe par la plus totale indépendance vis à vis des partis qui cogèrent le système.

Par Alex Rouillard