Brésil : Crise politique : quelle sortie pour les travailleurs ?

imagesEntretien avec André Ferrari – membre du P-Sol (Parti socialisme et liberté, parti de gauche large et militante au Brésil) et du comité exécutif de Liberdade, Socialismo et Revolução, organisation sœur de la Gauche révolutionnaire au Brésil.

Cet entretien a été réalisé il y a quelques semaines. De nombreux faits se sont passés depuis. Le gouvernement Temer est très fragile et il peut tomber dans quelques jours. Les manifestations gagnent une nouvelle ampleur. La répression nous rappelle les conditions de l’AI5 (Acte Institutionnel n°5, qui suspendait complètement la constitution) en pleine dictature militaire. Une nouvelle grève générale est en route. Cet entretien peut aider a comprendre mieux la crise politique au Brésil.

Quel est la différence entre le gouvernement Dilma et Temer ?

Tout d’abord, il faut se rappeler que Temer était vice-président sous Dilma Rousself. Cette crise c’est le résultat de la politique du PT qui visait la conciliation des classes.

Après une croissance basée sur la consommation et la facilité de crédits pour les travailleurs, le système entre en crise en 2013 et la bourgeoisie exige des représentants politiques de faire des mesures structurelles d’austérité. Ils organisent un agenda des attaques contre les travailleurs, comme les reformes du code du travail et de la retraite commencées par le gouvernement de Pt de Dilma mais qui a des difficultés politique pour appliquer ces mesures.

La réélection de Dilma a été basée sur un programmes progressiste et critiquant les mesures néolibérales du candidat Aécio Neves. Cependant, le lendemain de sa réélection, elle adopte des mesures néolibérales comme l’ajustement fiscal. Ainsi, elle jongle entre les intérêts de la classe dirigeante et les mesures progressistes socialement.

Malgré quelques pas progressifs vers la population plus pauvre, l’électricité, bolsa familia (bourse alimentation pour les plus pauvres), accès à l’université privée aux enfants de travailleurs, le Pt n’a jamais rompu avec le néolibéralisme. Il n’y a jamais eu de nationalisation ou étatisation. Au contraire, il y a eu la précarisation des services publics suivis des privatisations. La politique de conciliation a fait qu’elle perdît le soutien d’une grande partie de la population, et aussi des élites. Les bases sociales qui ont supporté ce gouvernement ne sont plus là.

La chute de Dilma permet que Temer entre dans le gouvernement avec une politique d’attaques qualitativement supérieures contre les travailleurs : les ajustements fiscaux, et de nouvelles reformes de la retraite et du code de travail, le gel des dettes externes et publiques, c’est-à-dire 20 ans sans investissement dans le secteur public. Il ne s’inquiète pas d’avoir un visage social, au contraire, il détruit chaque mesure progressiste du gouvernement Pt.

(La réforme du code du travail assure la précarisation des travailleurs par l’externalisation en contrats type CDD et la fin de droits, comme celui de la maternité, congés payés, indemnisation des chômeurs. La réforme de la retraite ne fait plus de différence entre les contributions des hommes et des femmes. Cette réforme exige 49 ans de cotisations et l’âge minimum de 65 pour avoir la retraite. C’est-à-dire, pour avoir accès à la retraite, il faudra commencer à travailler à l’âge de 16 ans en CDI, sans jamais avoir été en chômage. Aujourd’hui, même avec le système de retraite actuel, les travailleurs n’arrivent pas à vivre de leur retraite et sont obligés de continuer à travailler. A peine 1 travailleur sur 4 a accès à sa retraite.)

Une grande partie des travailleurs n’a pas participé au processus de destitution de Dilma, ni ne l’a empêché, car ils étaient insatisfaits avec ce gouvernement, et se sont éloignés du PT.

Cependant, les attaques en cours par le gouvernement Temer ont fait que le Pt arrive encore à convaincre une certaine partie de la population avec l’argument de la politique du moins pire. Si Lula ne va pas en prison à cause d’accusations de corruption, il pourra être candidat et se présenter comme une alternative aux élections présidentielles en 2018.

La droite et l’extrême droite :

La droite et l’extrême droite essayent de faire un amalgame entre les manifestations en cours contre les reformes et le soutien vers PT qui a pour objectif de récupérer le gouvernement.

Il y a 71% d’insatisfaction sociale, Au niveau politique, la droite est en crise et n’a aucun candidat à présenter dans les élections présidentielles l’année prochaine. La bourgeoise cherche une alternative en dehors des partis classiques, elle veut présenter des candidats dits « apolitiques – technocrates ».

Une partie minoritaire de l’extrême droite réactionnaire de São Paulo demande l’intervention militaire et montrent Bolsonario (membre du Parti social-chrétien et pro dictature militaire) comme alternative au système. Une autre partie de cette même droite est néanmoins en faveur d’une éducation et d’une santé publique.

La discussion est ouverte et la gauche doit s’approprier les discussions sur la corruption des politiciens. Car sinon, ces secteurs réactionnaires peuvent propager leurs idées, même si aujourd’hui, elles n’ont pas le rapport de force pour cela.

La gauche non luliste regarde le Psol :

Le Psol arrive à dialoguer avec les couches les plus dynamiques. Le parti gagne en adhésion et solidarité parmi la population. Marcelo Freixo candidat du P-Solà la mairie de Rio de Janeiro est arrivée au deuxième tour des élections. Sa candidature a mobilisé une grande partie de la population, des mouvements sociaux, des artistes, des jeunes et des travailleurs précaires. Erundina a São Paulo arrive à réunir les secteurs à gauche et progressistes de la ville.

Mouvement social et syndical : Le mouvement est dispersé, mais dynamique.

Les chaos sociaux, l’inflation et la répression comme jamais vue depuis la dictature militaire favorisent une explosion sociale. Des catégories paralysées depuis 20 ans reprennent les rues, les centrales syndicales comme la CUT et Força Sindical sont obligées de se mobiliser. Une nouvelle génération de jeunes dynamiques occupent les écoles et exigent l’éducation gratuite et de qualité.

L’unité des centrales syndicales est d’actualité, les principaux efforts sont de mobiliser les couches larges pour la politique générale au niveau national.

Le mouvement des sans toit, MTST, se construit comme un nouveau mouvement qui réunit les sans toit et les travailleurs précaires non syndicalisés, à cause de leur contrat temporaire précaire. Ce mouvement gagne en visibilité et joue un rôle clé dans l’organisation de la classe.

La grève générale a obtenu la participation active et passive de millions des brésiliens. Les métallurgiste du ABC (la zone industrielle près en banlieue de Sao Paulo) ont adhère à 90% la grève.

Le 24 mai, malgré les énormes difficultés pour accéder à la capitale, la manifestation à Brasilia a réuni cent cinquante mille personnes.

Une répression féroce

Le gouvernement s’est attaqué aux droits humains et à la démocratie dans le pays. Les mesures de répression rappellent les conditions pré 1964 (le début de la dictature militaire). Le 24 mai, Temer a convoqué l’armée pour réprimer les manifestants. La cavalerie utilisée en AI5, en pleine dictature militaire, est à nouveau dans la rue. Trois heures de massacres : des tire à balles réelles contre les manifestants, bombes à gaz jette par des hélicoptères, emprisonnements arbitraires.

Du côté de l’extrême droite, si l’élite est en crise, il existe un mouvement d’extrême droite organisé qui réprime les luttes et a le soutien du gouvernement.

Le mouvement MPL par exemple est allé jeter des bombes dans les écoles occupées par les mouvement social en faveur de l’éducation publique.

Malgré les attaques hebdomadaires contre les travailleurs et le silence des médias traditionnels, les mouvements sociaux et les travailleurs sont mobilisés avec de nouvelles dynamiques. De nouvelles manifestations, des concerts, des actions d’artistes seront organisés à Rio en faveur d’élections directes. La prochaine grève générale est en cours.

Les médias en France parlent que le Brésil a souffert d’un coup médiatique, quelle est votre avis ?

Nous n’avons jamais eu un moyen de communication démocratique. Le coup médiatique pour nous n’est pas une nouvelle. Les entreprise privé ont le monopole des informations et représentent les intérêts du capital. Globo est le fruit mûre de la dictature militaire, elle agit comme un parti de droite. Le PT aura pu en finir, mais il n’a rien fait pour changer la situation. Quand la Globo n’a plus eu besoin du PT, elle a organise sa chute. Et pourtant, ce n’est pas si difficile d’en finir, il faut juste que le gouvernement ne renouvelle pas les concessions de l’état pour diffuser les informations, il faut juste passer ces concession aux communautés sociales.

Le 25 janvier de 1984, par exemple, il y a eu uen grande manifestation pour les élections directes, contre la dictature, il avait deux cent cinquante mille personnes dans les rue de São Paulo. Globo a diffusé que ces manifestants étaient dans la rue pour commémorer l’anniversaire de la ville de São Paulo, une grande fête !

En 2013, cette chaîne a beaucoup parlé du mouvement pour la réduction du prix des transports mais a essayé de le diviser.

Même avec le soutien des médias, ce gouvernement est fragile et Temer ne pourra plus supporter les pressions populaires. La grève générale de 48 h est le prochain pas. Pour les élections directes et générales ! Contre les réformes ! Notre avenir est dans nos mains. Dégageons Temer et sa bande.

Par Mariana Campos