Un élan révolutionnaire qui transformait la société : la Commune de Paris

commune de paris barricadeLa Commune de Paris fait partie de ces événements de notre passé, enfoui dans la mémoire collective et soigneusement et méthodiquement réduit ou oublié dans l’Histoire officielle. Pourtant le pouvoir des capitalistes a été renversé et pour la première fois de l’Histoire, la classe ouvrière a pris le pouvoir.

Qu’est ce qui conduit au renversement du pouvoir à Paris ?

La France du Second empire (1852-1870) est celle du développement effréné du capitalisme en France dans un cadre extrêmement favorable aux capitalistes, le régime autoritaire du Louis Napoléon Bonaparte, un arriviste bien né, neveu de Napoléon Ier qui a pris le pouvoir en 1852 sur les ruines de la 2nde république, issue de la révolution de 1848. Le régime de Napoléon III est l’expression de la volonté de la classe dirigeante capitaliste en France de croître en prenant le soin d’écraser la classe ouvrière dangereuse des villes notamment de Paris et de Lyon. C’est l’époque du développement des sociétés d’action, du chemin de fer, de l’industrialisation comme au Creusot ou dans les mines du Nord. Mais ceci ne se fait pas sans crise et sans àcoups. Les capitalistes se font la guerre. Et le régime d’Empire ne résiste pas, avec une armée sous développée à l’armée prussienne de Bismarck. L’Allemagne, naissante comme Etat, met fin au second Empire en France et occupe le Nord du pays en 1870.

A la fin de la guerre, en mars 1871, la jeune république bourgeoise (la IIIème) née pendant la guerre est très faible. C’est à ce moment que la colère accumulée par le peuple de Paris, et ses ouvriers et artisans, éclate. Voilà plusieurs décennies qu’ils sont exploités, privés de libertés et entourés d’une bourgeoisie toujours plus arrogante qui s’engraisse sur leurs dos. A Paris tout particulièrement la politique de grands aménagements de la ville à briser les quartiers populaires par les grandes avenues du baron Haussmann mais aussi par les fortifications qui ont repoussé aux portes de la ville les classes populaires toujours plus loin de leurs lieux de travail et du centre ville. Bidonvilles et quartiers insalubres se développent alors.

Le 17 mars 1871, un conseil des ministres présidé par Thiers décide de faire enlever les canons qui sont à Montmartre et de faire ensuite arrêter les principaux meneurs révolutionnaires qui refusent la reddition et le nouveau pouvoir. Le 18 mars, c’est le début de l’insurrection de Paris. Les troupes du régime échouent à enlever les canons à Montmartre et Belleville. La troupe fraternise avec les insurgés et deux généraux Lecomte et Clément Thomas faits prisonniers sont fusillés. Les autorités évacuent Paris et se réfugient à Versailles (ironie de l’Histoire). Du 22 mars au 4 avril des mouvements d’insurrection se développent dans d’autres villes du pays en particulier là où des sections de l’Internationale ouvrière existent (AIT 1ère internationale fondée en 1864). En France en 1866 les villes représentaient sont Paris, Lyon et Rouen. les mouvements les plus importants ont bien lieu là où l’Internationale bénéficie d’une implantation réelle et là où l’action gréviste des années 1869-1870 a laissé des traces en aguerrissant et en éduquant les travailleurs »

La Commune de Paris est née. Elle durera deux mois jusqu’à la semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871 pendant laquelle près de 30 000 parisiens sont tués et 40 000 arrêtés et déportés.

Les bases d’une nouvelle société sont posées

En deux mois la Commune de Paris, encerclée des troupes de Thiers et sous la menace des Prussiens, réussit le tour de force de prendre le pouvoir des mains de la bourgeoisie et d’instaurer une démocratie ouvrière après des élections communales fin mars.

Organisée en 10 commissions, la Commune allie le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif en votant des lois-décrets et en les faisant appliquer. Tous les aspects de la vie quotidienne sont passés en revue. Les besoins vitaux que sont la nourriture et le logement sont la priorité, les loyers sont gelés pour 3 mois, l’approvisionnement de la ville organisé. Le droit du travail est revu ; finies les amendes, les pénalités, fini le travail de nuit pour les boulangers… L’armée de conscrits et permanente est abolie au profit d’une défense collective.

Des changements radicaux s’opèrent. Alors que les femmes n’auront le droit de vote qu’en 1945 en France, la Commune est un cadre dans lequel elles se développeront. L’annuaire statistique des années 1861-1865 montre que le nombre de femmes dans la production industrielle à Paris est important. Ainsi, en 1871 il y avait 114 000 emplois dont 62 000 ouvrières. Surexploitées, elles n’ont rien à perdre et prennent un rôle important avec certaines dans le gouvernement. Elles protègent la Commune et s’engagent aussi militairement. Louise Michel, une des dirigeants de la Commune, avance le chiffre de 10 000 femmes qui combattirent durant la Semaine Sanglante.

L’éducation est aussi totalement repensée. L’enseignement est retiré des mains de l’Église. Il devient laïc, gratuit et public. Contrairement à celui de Jules Ferry en 1881, l’éducation devient progressiste : comme dans le VIIIe où la directrice annonce «que les cours seront publics pour permettre aux parents d’y assister à leur gré». Des mairies d’arrondissement prennent des initiatives, fournitures scolaires gratuites (IIIe). Photo 2 Dans le XXème arrondissement, la mairie se charge de nourrir et d’habiller les élèves des écoles laïques. Marie Verdure déclare pour les crèches que «l’éducation commence dès la naissance» et veut «des crèches avec des jardins, des volières, des jouets». Une première école professionnelle ouvre le 6 mai, rue Lhomond. L’annonce dit aux parents qu’ils signalent «le métier que chacun de ces enfants désire apprendre». On est loin de l’orientation actuelle!

Tout ceci n’est qu’une partie des exemples de ce que la Commune a essayé de mettre en place avant d’être asphyxiée par l’absence d’extension de la révolution dans le pays aux grandes villes réprimées et dans les campagnes puis d’être anéantie militairement.

La Commune de Paris a été le condensé de l’expérience révolutionnaire en France depuis la révolution française en passant par celles de 1830 et 1848. De ces expériences les travailleurs ont tiré beaucoup. Et au cours du XIXème siècle, la classe des ouvriers s’est développée. Elle est devenue la force de laquelle les capitalistes tirent leurs profits, mais aussi celle qui peut les conduire à leur perte en exposant leur inutilité. La Commune de Paris a montré le rôle essentiel des travailleurs comme force révolutionnaire capable d’en finir avec l’exploitation et la misère et capable de porter les fruits d’une nouvelle société plus égalitaire pour tous et toutes et gérée par tous et toutes. La bourgeoisie française a senti sa fin proche et a tout fait pour ne pas renouveler l’expérience. La Commune a été réprimée comme jamais pour ces raisons.

De leurs côtés les travailleurs et les marxistes ont tiré deux leçons essentielles de la Commune : il faut briser l’état bourgeois pour pouvoir instaurer une nouvelle société débarrassée de l’exploitation et il faut un outil pour les travailleurs, un parti capable de transmettre les expériences du mouvement ouvrier et d’anticiper les pas nécessaires aux succès de la révolution socialiste.

Par Leïla Messaoudi