Comment faire sauter le système ?

rassemblement
Place Tarhir, au Caire, rassemblement en 2012, pour célébrer le premier anniversaire du soulévement populaire qui a fait chuter le dictateur Hosni Moubarak (AP)

Une nouvelle vague de «menaces terroristes», c’est désormais la chanson que médias et politiciens entonnent régulièrement. On nous l’annonce comme devant faire partie de la réalité ces prochains mois voire années. Et la traque à l’apologie du terrorisme, aux «comportements suspects», la mise en place de toute une machinerie idéologique depuis les passages en boucle sur les chaînes télés jusqu’aux «cellules psychologiques de déradicalisation», renforcent ce climat qui frise un peu la paranoïa. Car pendant ce temps là, les causes profondes ne sont évidemment pas étudiées. Pourquoi donc y-a-t il ces actes terroristes ? Et si on comprend qu’ils sont la conséquence de la situation sociale et économique actuelle du monde, pourquoi donc inspirent-ils quelques milliers de personnes, souvent jeunes, alors qu’ils n’ont aucune efficacité contre le système ? Depuis la déclaration de «guerre au terrorisme» faite par G W Bush à la suite de l’attentat contre le World Trade Center le 11/09/2001, l’ensemble des gouvernements a adhéré à cette politique. Cela a justifié de nombreuses guerres, extrêmement meurtrières, autant que de nombreuses lois et mesures restreignant les libertés et attaquant ceux qui contestent le système.

Les causes profondes

La barbarie dans laquelle le capitalisme plonge des régions entières du globe est d’une violence inouïe. Certains pays connaissent la guerre et les invasions de manière quasi ininterrompue depuis 20, 30 ou 40 ans. Une telle situation ne peut que nourrir la révolte, la colère et le désespoir. D’autant que même quand ces situations sont combattues et dénoncées, aucun des gouvernements qui en est responsable ne modifie sa politique. Le nombre de morts en Irak approche et dépasse même peut être le million depuis la 2ème guerre du Golfe déclenchée en 2003. La moitié de la Syrie est dans le chaos, la Palestine étouffe sous le blocus israélien, et des pays entiers comme la Somalie ou le Yémen n’ont quasiment plus d’Etat.

L’arrogance des «dirigeants» du monde pour des populations qui survivent à peine est une humiliation permanente qui se symbolise avec ce droit que s’arrogent ces mêmes dirigeants d’intervenir militairement quand bon leur semble et de fermer les yeux quand ça les arrange sur les très nombreuses injustices : massacres en Palestine, au Congo, en Afrique du Sud,…

C’est donc assez logique que la colère ou le désespoir poussent certains, souvent jeunes, à penser qu’il faut donner un grand coup de pied dans la fourmilière espérant réveiller des consciences qui seraient endormies, tandis que d’autres pensent qu’un coup (ou plusieurs) bien placé peut contraindre les impérialistes à modifier leur politique.

L’idée n’est pas nouvelle. Elle est née dans la 2ème moitié du 19ème siècle. Certains courants révolutionnaires pensaient qu’en assassinant quelques nobles et quelques politiciens, ils allaient montrer la voie au peuple et il allait s’insurger. Impatients de voir la révolution arriver, ces groupes ne comprenaient pas la nécessité d’organiser les masses, de les politiser pour qu’elles prennent conscience par elles-mêmes des moyens de changer leur situation.

Car la vraie cause n’est pas à rechercher dans la volonté individuelle de tel ou tel dirigeant même si évidemment il y a des dirigeants qui sont plus zélés que d’autres à enfourcher les chevaux de bataille et à nous assommer de termes comme «guerre de civilisation» pour masquer les raisons de ces guerres pour le pétrole.

L’impérialisme, c’est une machine de guerre économique, politique et militaire qui correspond à la domination des grandes multinationales sur l’économie mondiale. C’est-à-dire la domination du capital financier sur le capital industriel. Depuis la fin de la colonisation, avec des variations lors de périodes de croissance économique, l’intérêt de ces multinationales est de considérer les ¾ de la planète comme un vaste champ de ressources, sans pour autant les développer. Et les gouvernants de ces régions, tout en s’enrichissant largement au passage, sont là pour garantir un tel rendement. L’affaire n’est donc ni religieuse, ni morale ou autre, elle est purement économique et politique.Ce ne sont donc pas des bombes individuelles qu’il faut pour en finir avec cela, mais une bombe collective, de masse, qui change tout le système : une révolution.

Terrorisme individuel et politiques anti terroristes

C’est le temps d’un constat : la «guerre contre le terrorisme» s’alimente du terrorisme, lequel s’alimente des opérations menées au nom de la «guerre contre etc.». Prises entre ces deux mâchoires aussi réactionnaires l’une que l’autre, subissant les retombées politiques (lois répressives contre les libertés, surarmement policier, multiplication des discriminations, et mise en place d’une ambiance raciste) les populations, notamment musulmanes, mais également tous ceux qui osent défier l’ordre existant, paient un prix lourd. Le terrorisme individuel n’amène pas la libération des peuples, il les laisse passifs et finalement les prend aussi en otage, comme on peut le voir au Nigeria, en Syrie ou en Irak.

Qui plus est, en focalisant sur la question religieuse, les groupes terroristes alimentent la propagande des impérialistes et masquent les enjeux économiques et sociaux de la domination impérialiste. Car les impérialistes savent très bien s’accommoder de régimes religieux fondamentalistes quand ils aident leurs intérêts.

Les régimes réactionnaires de l’Arabie Saoudite, du Qatar et d’autres pays sont de parfaits alliés qui sont en plus une garantie contre une révolution des travailleurs et de la jeunesse. N’est-ce pas l’armée de l’Arabie Saoudite qui a ainsi envahi le Bahreïn pour mettre fin à l’insurrection populaire en 2011 ? Les impérialistes n’ont évidemment rien trouvé à redire àcela.

La tentation de l’action terroriste devrait comparer les résultats obtenus par les mouvements insurrectionnels de masse et plus encore lorsqu’ils sont poussés par une grève générale. Ce ne sont pas les actes d’un terroriste individuel qui ont fait chuter les régimes de Ben Ali en Tunisie, ou de Moubarak en Egypte. Et la domination impérialiste et les sales guerres coloniales de la France en Algérie, des USA au Vietnam, la domination sur des pays comme Cuba et tant d’autres n’ont été vaincus que par l’action des masses. Et ce, même quand la domination coloniale imposait à ce qu’une partie de la résistance se fasse de manière armée obligeant parfois à recourir à la tactique de guérilla. Mais ce n’est qu’une tactique temporaire, s’enferrer dans une guérilla permanente conduit aux mêmes travers que les actes terroristes individuels : des masses passives qui deviennent l’otage d’une lutte qui ne leur semble plus la leur.De plus, le terrorisme qui a frappé de nombreux endroits depuis les attentats contre Charlie Hebdo à Paris jusqu’à à celui contre un café à Bamako au Mali le 6 mars dernier, n’a même plus le niveau ou l’ambition de ceux des tours jumelles de New York. Tout horrible et aveugle qu’il était cet attentat visait un symbole de l’impérialisme et du capitalisme. Là, les actes s’apparentent plus à des actes de gangsters sur des gens sans défense et qui n’ont aucun rôle actif dans les menées de l’impérialisme.

La fin et les moyens

De fait, si des réseaux réussissent à recruter quelques milliers de terroristes potentiels, c’est sur une base idéologique très confuse et bien plus sur la perspective d’un enrichissement personnel grâce au pillage et à la spoliation des populations civiles (notamment en Irak-Syrie et au Nigeria). Ce sont souvent des trafiquants de drogue, d’armes ou autre qui utilisent la religion comme un prétexte pour augmenter la surface de leur trafic et y ajouter le trafic humain. A l’image des politiques de pillage des impérialistes en somme.

Et c’est bien souvent que les organisations de ce type, mafia ou autre, se retrouvent influencées par les tendances générales de la société. Il n’était pas rare de voir dans les années 60 ou 70 des gangs se revendiquer de la justice populaire et de la révolution sociale. D’autres épousaient la cause nationaliste de leur région en lutte pour l’autonomie ou l’indépendance. Là c’est donc le prétexte religieux, ce qui a l’avantage de ne même pas avoir à mentionner les questions économiques et sociales et d’entrer dans le jeu des impérialistes.

Ce qui est terrible dans le cas des terroristes abattus en janvier dernier, c’est qu’ils sont eux même des victimes des terribles injustices que génère le capitalisme. La misère, la précarité, le sentiment d’abandon, marquent leurs vies depuis leur enfance qu’il n’est pas possible de qualifier de tendre. Ceux qui les ont convaincus d’aller se faire tuer en ayant au préalable tué des innocents, sont bien évidemment loin de courir les mêmes risques. A l’image des impérialistes qui déchaînent le feu et l’acier sur des régions du globe sans risquer grand chose depuis les bureaux présidentiels.

Or ces gouvernants, et les groupes d’actionnaires et grands patrons qu’ils servent dans leurs politiques, ne craignent qu’une chose : un mouvement de contestation de masse, une révolte des travailleurs, de la jeunesse et de la population, utilisant ses propres armes que sont la grève générale, les blocages de site industriel et de réseaux de transport. Que ce soit en Mai 68 en France ou plus récemment en Tunisie et en Egypte, c’est quand le mouvement avance dans cette direction que les dirigeants impérialistes et tous leurs valets ne savent plus quoi faire et entrent en panique. Le chemin peut paraître long pour arriver à une telle situation qui renverserait complètement les choses et mettrait fin à l’injustice généralisée qui gouverne le monde. Mais il n’y en a pas d’autre, c’est seulement les situations de grève de masse, d’insurrection et même de révolution qui ont changé le cours des choses, et c’est cela qu’il faut préparer dès maintenant.

Et cette bombe de masse fera bien plus de dégâts au système que tous les meurtres inutiles des actes terroristes individuels.

Par Alex