1989: Chute du mur de Berlin, une révolution?

ob_c95eed_chute-du-mur-de-berlin-en-1989À la fin de la 2ème guerre mondiale, il y avait une ambiance nettement pro-socialiste dans la classe ouvrière en Allemagne. Il y avait un soutien massif pour l’idée de la socialisation des grandes industries et pour l’unité du mouvement ouvrier. Il y avait une dynamique dans de nombreuses villes et usines pour l’auto-organisation antifasciste et ils ont organisé des comités de masse pour la dénazification de l’État à partir des cellules de résistance contre le nazisme.

La guerre froide au cœur de l’Allemagne

Le Parti communiste d’Allemagne (KPD, refondé sous le nom de SED) n’était rien d’autre qu’un organe de la politique étrangère de Moscou. L’Allemagne de l’Est était entre les mains de l’administration militaire soviétique. Les comités antifascistes et les comités d’entreprises ont été dissous bureaucratiquement et le KPD exerçait un contrôle sur la vie politique et sur la population.

La suppression des initiatives indépendantes dans la classe ouvrière a conduit à la déception, la frustration et au retrait de l’activité de nombreux travailleurs.Le concept politique de Staline est de vouloir établir un État neutre et unifié en Allemagne, mais son projet devait entrer en conflit avec la réalité. L’Europe de l’Ouest n’avait aucun intérêt dans la coexistence pacifique avec l’Union soviétique. L’impérialisme reposait sur l’intégration de l’Allemagne de l’Ouest dans sa structure économique et militaire. L’abolition du capitalisme et l’introduction d’une économie planifiée contrôlée par l’État et par l’URSS ont été une réaction à cette politique occidentale. Une caste bureaucratique de fonctionnaires du parti et de l’État s’est développée, jouissant des privilèges considérables et d’un pouvoir incontrôlé, en 1989 la colère a été dirigée contre cette élite. De ce point de vue, la RDA n’a été qu’un État ouvrier très déformé. Car dans les conditions de prospérité matérielle croissante, les fonctions répressives d’un État ouvrier doivent être démantelées, conjointement à une augmentation de l’autonomie démocratique.

En RDA, c’est le contraire qui s’est passé, l’appareil bureaucratique s’est développé et s’est éloigné de plus en plus de la masse de la population active. La RDA était en contact avec l’occident jusqu’à la construction du mur en 1961. Elle a réussi un développement industriel impressionnant et en particulier dans la construction d’industries lourdes. Néanmoins, les meilleures conditions de vie en RFA ont rayonné et près de 3 millions de travailleurs ont déménagé à l’Ouest entre 1945 et 1961.

La politique économique des bureaucrates est organisée de haut en bas sans contrôle démocratique. Plus les exigences sont complexes, plus le problème est grave. Il est plus simple d’organiser une aciérie avec des méthodes centralistes bureaucratiques que de satisfaire les besoins de consommation individuelle et collective de millions de personnes.

La lutte pour le contrôle ouvrier

La dernière révolte ouvrière en RDA s’est passée en juin 1953. Il y eut un soulèvement dans plus de 250 endroits avec des comités de grève dans de nombreuses usines. Des centaines de milliers de travailleurs manifestent. 60 000 manifestants partent des chantiers de construction de la Stalinallee vers la maison des ministères. Ils seront écrasés par l’armée soviétique. Jusqu’au  mouvement de masse révolutionnaire de 1989, il y a toujours eu l’émergence de groupes d’opposition, mais pas de masse comparable à la classe ouvrière.

La conséquence des événements cruciaux de 1989 est une contre-révolution sociale qui a causé l’ultime liquidation de ce qui restait des économies planifiées. Les méthodes pour mettre à bas les régimes staliniens étaient des manifestations de masse et des grèves générales avec des revendications demandant la réduction ou l’abolition des privilèges de la bureaucratie, et non pas la restauration du capitalisme. Néanmoins, le résultat a été le retour du capitalisme partout en Europe de l’Est. Il y avait une recherche de la part des masses d’instaurer une véritable démocratie ouvrière. Mais il manquait le facteur subjectif du parti et d’une direction révolutionnaire testée et éprouvée à maintes reprises, la restauration du capitalisme n’était nullement une conclusion acquise. Beaucoup de slogans portaient sur la liberté d’expression, de réunion, d’organisation et la liberté de la presse. Mais la revendication principale du mouvement en RDA était dès le début : « Pour un socialisme réellement démocratique » et la majorité de la population n’était pas en faveur d’un retour au capitalisme.

La soi-disant victoire du capitalisme ne peut pas durer

Les manifestations de masse à partir de début octobre 1989 ont contraint Honecker, leader de la RDA, à démissionner et le 9 novembre, le mur tombait. Des comités ont été mis en place sur les lieux de travail, les usines, les facs, le pouvoir était à portée de main. Or, le mouvement de masse n’a pas réussi à prendre le pouvoir, à instaurer le véritable socialisme faute d’un parti révolutionnaire, implanté dans la classe ouvrière. Cela a permis à la bourgeoisie ouest-allemande de prendre peu à peu le dessus. Dans les cortèges, la perspective d’un socialisme à visage humain était largement partagée, mais à la fin des manifestations les orateurs se contentaient d’appeler les gens à rentrer chez eux. Le mouvement a gardé un caractère spontané et sans structure d’organisation. L’attitude hésitante du mouvement d’opposition a permis au gouvernement ouest-allemand de Kohl de se profiler comme l’opposant le plus conséquent au régime de la RDA. Afin de calmer les esprits et par peur de la grève générale imminente, les élections sont avancées et le parti conservateur de Kohl (CDU) passe largement en tête avec 42 %.

Aujourd’hui encore dans l’ancienne RDA les salaires sont 7 % plus bas. La pauvreté concerne 30 % de la population dont 10 % de travailleurs. Les retraités, les familles monoparentales et les jeunes ne voient aucun avenir dans une société qui ne leur permet même pas de vivre dignement, les trois-quarts de l’industrie ont été détruits et remplacés par des petits boulots. Le capitalisme a ouvert des nouveaux marchés juteux, mais les travailleurs ont été spoliés. Le besoin d’un réel socialisme est toujours à l’ordre du jour comme une nécessité.

Par Mathieu